8 ans de bagne pour de la farine, de l’huile, du vin et quelques fromages

Pierre BÉGON naît, au milieu du XIXème siècle, le 17 avril 1846, à Celles-sur-Durolle, dans le Puy-de-Dôme. La localité se situe dans la banlieue de Thiers, patrie de la coutellerie. A cette époque, la disparition totale des tanneries, puis des papeteries, permet aux couteliers d’installer des usines au bord de la Durolle, et par conséquent de moderniser et mécaniser certaines étapes du processus de fabrication. Dans Thiers et à Celles, le travail à domicile est à son apogée, dans chaque maison travaille un monteur de couteaux, un trempeur, un façonneur de manches.

Et la famille de Pierre n’est pas en reste. Son père, prénommé Léonard ou Claude, selon les actes, est bien évidemment coutelier, son grand-père François l’était aussi, et Pierre BÉGON le deviendra également. Sa mère, Anne SARRY, était fille de cultivateurs. Pierre aura deux frères, Léonard, décédé avant sa naissance, et Etienne, né en 1844, ainsi que deux sœurs, Marie, née en 1841, et Jeanne, née en 1853.

Famille BÉGON – Heredis – famille XXL

Après une enfance et une adolescence normales, il fait partie de la classe 1866 et avec sa constitution robuste et sa belle taille, 1 m 72, il est considéré apte au service et est incorporé, à compter du 1er février 1868, pour quatre ans. Il servira dans l’Infanterie et fera partie de l’Armée d’Afrique, du 2 novembre 1870 au 3 août 1871.

Garde nationale – classe 1866 – R 2801 – AD Puy-de-Dôme

Bou Mezrag El Mokrani – vers 1871 – Gabriel Esquer, Iconographie historique de l’Algérie depuis le XVIème siècle jusqu’à 1871, Alger 1930, planche CCCXLIX, vue 993 (photographie de la collection du général Féraud).

Curieuse ironie du sort, Pierre BÉGON, qui avait combattu ce chef, arrivera en Nouvelle-Calédonie, au moment où celui-ci en partira, gracié.

Pierre est libéré de ses obligations militaires le 27 mars 1872.

Pour ce qui est de sa vie civile, il épouse, le 28 octobre 1868 à Celles-sur-Durolle, Amable BOURGADE, originaire d’Escoutoux, fille de Benoit BOURGADE, coutelier, et de Marie DUMAS-MAILLON. Elle lui donnera trois enfants, Mélanie, née le 5 décembre 1871, Augustine, née le 16 mai 1874, et Auguste, né le 2 mars 1877, mais qui ne vivra qu’un mois.

La réputation de Pierre n’est pas très bonne. Bien que chargé de famille, Il travaille peu et ses ressources sont à peu près nulles. On sait qu’il braconne, mais il est bientôt aussi soupçonné de voler pour vivre.


Plusieurs personnes avaient à sa plaindre de vols depuis 1876, comme les sieurs DUMAS, qui exploitaient des moulins importants à Rondepierre, et les frères SABATIER, couteliers à Bellevue. Pour les premiers, on leur avait volé de la farine et pour les seconds, du vin et des fromages.

extrait du « Riom-Journal » – 2 juin 1878 – page 2 – Retronews

La confiance que Pierre BÉGON avait su leur inspirer les avaient tout d’abord empêché de le soupçonner, mais cela durait depuis trop longtemps. Dans la nuit du 26 février 1878, alors que BÉGON partait braconner, en précédant sa sortie nocturne par quelques coups de fusil, comme il avait l’habitude de le faire, plusieurs de ses voisins, les sieurs JUGE, GRÉGOIRE et autres, se mirent à l’affût sous un hangar proche de sa maison.

Après une absence de deux heures environ, ils le virent revenir avec un sac qui paraissait assez lourd. La gendarmerie, prévenue, fit une perquisition minutieuse chez la famille BÉGON. Elle trouva un sac contenant de la farine de seigle et de froment mélangées. Mais comme, dans la matinée précédente, BÉGON avait envoyé sa femme acheter de la farine de seigle au moulin DUMAS, il fut impossible de distinguer la farine achetée de la farine supposée volée. Cependant, la perquisition amena la découverte de plusieurs objets et d’une certaine quantité d’huile de noix, dont les époux BÉGON ne purent expliquer la provenance.

C’est ainsi que Pierre BÉGON se retrouva, le 29 mai 1878, devant la Cour d’Assises de Riom, accusé de vol qualifié. Ayant reconnu 7 autres crimes de vol révélés pendant l’instruction, il n’eut pas droit aux circonstances atténuantes et fut condamné à la peine de 8 ans de travaux forcés, sans toutefois de surveillance. Cette affaire sera la dernière de la session.

Pierre BÉGON arrivera au dépôt de l’Ile de Ré le 17 juillet 1878.


Au bagne, il passera en 1ère classe rapidement, le 1er décembre 1880. En 1882, il sera proposé pour une remise d’un an sur sa peine, et obtiendra 9 mois le 11 juillet 1882. Il passera donc 4.1 n° 4961, le 2 septembre 1885, alors qu’il n’était libérable que le 29 mai 1886.

On sait qu’il est resté sur place, car lorsque sa fille Mélanie, épouse Désiré Georges ROUSSELET, le 2 juin 1896, à Charenton-le-Pont (94), il est dit mécanicien demeurant à Nouméa et donne son consentement, par acte reçu par Me PERRAUD notaire à Nouméa le 14 mars 1896.

Il sera réhabilité le 27 octobre 1905.

On sait aussi qu’il est décédé avant août 1914, puisque lors du second mariage de Mélanie, sa mère Amable BOURGADE, est signalée veuve de Pierre.

acte de mariage FLOTTES – BÉGON – 25 août 1914 – 12M 230 – page 3 – Archives de Paris


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