Les toits de chaume s’enflamment

Notre futur incendiaire, Joseph Louis Alfred BOILEAUD, nait le 6 juillet 1854 à Vaudrey, dans le Jura, à l’ombre du château remodelé par Quentin TERRIER de MONTCIEL en 1740, avec sa tour en brique couronnée d’un toit en poivrière conique et son corps de bâtiment, sur laquelle se détachait, au deuxième niveau, une galerie de bois couverte par l’auvent d’un vaste toit pentu à croupe. Tous ses ancêtres habitent là depuis plusieurs générations.

Château de Vaudrey

Le pauvre enfant sera vite orphelin. Sa mère, Jeanne Baptiste ARBOGASTE, meurt le 22 octobre 1858, alors qu’il n’a que quatre ans.

Arbre famille BOILEAUD – Heredis – Famille XXL

Son père, Marie Joseph BOILEAUD, journalier, n’a pas beaucoup de temps à consacrer à son enfant. Joseph Louis Alfred BOILEAUD va ainsi grandir sous des cieux un peu sombres.

Il ne va d’ailleurs pas grandir beaucoup, au sens physique du terme, puisqu’au moment d’effectuer son service militaire, en 1874, il sera ajourné pour défaut de taille. Il ne mesure en effet que 1m 53. Cependant, deux ans plus tard, en 1876, il sera reconnu propre au service actif et sera incorporé au 44ème Régiment d’Infanterie de ligne, l’armée ayant sans doute besoin d’hommes. Il avait ainsi gagné 2 cm pour mesurer 1m 55.

Matricule 1637 – Bureau de recrutement de Lons-le-Saunier – classe 1874 – R847 – AD Jura

De retour au pays, on le dit paresseux et un peu porté sur la boisson, mais sans plus.


Et un jour, on ne sait pas ce qui lui a pris, il a mis le feu à plusieurs maisons. Il a d’abord dit que c’était par vengeance. Certains l’avaient entendu dire, peu de temps auparavant, qu’il voudrait que le feu prenne aux quatre coins de Vaudrey. Pourquoi, c’est un mystère.

extrait de « La Sentinelle du Jura » – 26 avril 1878 – page 3 – Pr204/36 – AD Jura

Les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés en avril 1878.

Le premier incendie a été allumé dans la nuit du 13 au 14 avril, au domicile du sieur TUSSY, vers une heure du matin. A cette heure, le sieur TUSSY, son épouse, ses deux enfants et son père, dormaient. Ils furent réveillés par le crépitement des flammes. Ils durent sortir en toute hâte, sans avoir même le temps de se vêtir, car déjà le plafond s’effondrait et une poutre enflammée avait blessé le sieur TUSSY à la jambe. Les secours furent prompt à intervenir et l’incendie put être circonscrit, mais le bâtiment principal, ainsi que le mobilier furent brûlés. Seule la maison était assurée et le sieur TUSSY éprouva une perte d’environ 5 000 francs. BOILEAUD dira que l’homme lui devait quelques journées de travail dont il ne pouvait se faire payer.

Quelques jours plus tard, dans la nuit du 21 au 22 avril, toujours vers une heure du matin, un autre incendie éclate, cette fois au domicile du sieur BARTHELET, surprenant celui-ci, sa femme et son fils, dans leur sommeil. Ils se précipitent dehors, sans aucun vêtement, car les étincelles tombaient déjà dans leur chambre. Avant que les secours n’arrivent, la maison et tout le mobilier qu’elle renfermait étaient brûlés. Rien n’était assuré et le sieur BARTHELET subit une perte d’environ 2 000 francs. La cause trouvée cette fois-ci par BOILEAUD fût que la victime avait eu des raison avec son père.

extrait de « La Sentinelle du Jura » – 24 avril 1878 – page 2 – Pr204/36 – AD Jura

Les deux maisons incendiées étaient couvertes en chaume et, selon toute apparence, le feu avait dû se déclarer dans la partie inférieure de la toiture.

Le 22 avril, le sieur GEORGEON, très alarmé par ces sinistres répétés, inspecte les alentours de son habitation, voit par terre des allumettes noircies, et en continuant ses recherches, il en trouve encore entre le mur et le toit en chaume du bâtiment.

La piste criminelle ne fait aucun doute. BOILEAUD est rapidement soupçonné. Il s’était montré un des premiers aux deux incendies, complètement vêtu et avec ses guêtres. A cela s’ajoutait les propos qu’il avait tenus peu de temps auparavant, et sa mauvaise réputation de paresse et de tendance à la boisson.

Toutefois, personne, dans le village, ne l’aurait cru capable d’accomplir ces actes odieux.

Toujours est-il que Joseph Louis Alfred BOILEAUD, qui n’a jamais été condamné auparavant, se retrouve, le 12 juin 1878 devant la Cour d’Assises de Lons-le-Saunier, sous l’inculpation d’incendie volontaire, ce qu’il ne nie pas.

extrait de « La Sentinelle du Jura » – 14 juin 1878 – page 2 – Pr204/36 – AD Jura

Les faits étant avoués, les débats ne furent qu’une lutte oratoire entre Monsieur le procureur d’AVOUT et Me BOIN, le défenseur de Joseph Louis Alfred BOILEAUD. Malgré les circonstances atténuantes accordées, ce dernier est condamné à la peine de 10 ans de travaux forcés, assortis de 10 ans de surveillance.

Un mois plus tard, le 17 juillet 1878, il arrive au dépôt de l’Ile de Ré.


Au bagne, Joseph Louis Alfred BOILEAUD ne va pas poser de problème. Il passe 1ère classe le 1er juin 1881.

Son attitude lui permet même de bénéficier d’une remise de 2 ans sur sa peine le 10 juillet 1884, ce qui le fait passer 4.1 n° 5351 le 16 juin 1886, deux ans avant la date où il était normalement libérable.

Après 1886, il se fait si discret qu’on perd sa trace. Est-il décédé en Nouvelle-Calédonie ? Est-il revenu en France ? La réponse n’est pas encore connue à ce jour. Tout ce que l’on sait, c’est que son dossier de bagne fait partie des dossiers des évadés ou disparus.

En France, son père, Marie Joseph BOILEAUD, était décédé, lui, le 24 décembre 1883, à Vaudrey.


Un commentaire sur “Les toits de chaume s’enflamment

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer