Jeunesse délinquante

Lorsque Charles Jean Baptiste BERTRAND nait le 25 septembre 1858 à Fougerolles, en Haute-Saône, son père, Claude Antoine Siméon BERTRAND, est meunier. Quatre enfants sont nés avant lui, trois filles et un garçon, tous en Haute-Saône.

Arbre famille BERTRAND – Heredis – famille XXL

La famille déménagera par la suite dans l’Aube, à plus de 200 kms de là. Elle est présente à Clérey, près de Troyes, en 1872.

Claude Antoine Siméon BERTRAND n’est plus meunier, mais domestique. Il vit avec son épouse, Marie Louise DEHARBE et leurs cinq enfants. Leur gendre, César Jules DELHAYE et leur fille Pélagie Aurélie, qui se sont mariés l’année précédente à Paris, habitent la maison d’à côté.

extrait du recensement de Clérey – 1872 – AD Aube

Charles Jean Baptiste a alors 13 ans. Il vit donc toujours avec les siens. C’est seulement deux ans plus tard, qu’il commencera les délits.

A 15 ans, il est tout d’abord condamné à 2 mois de prison pour vol, à Wassy, en Haute-Marne, le 17 juin 1874.

Il recommencera à voler, puisque le 1er février 1877, on le retrouve devant la Cour d’Assises de Vesoul, en Haute-Saône, où il est condamné à 6 mois de prison pour ce motif.

A sa sortie de prison, il se fait embaucher comme garde-moulin, autrement dit assistant du meunier. Il a appris le métier autrefois avec son père. C’est un métier dangereux, car une seule inattention peut provoquer un emballement du moulin. Nombre de garde-moulins se sont fait happer par leurs vêtements, dans les engrenages ou les courroies.

La réalité est un peu moins lisse. En réalité, Charles Jean Baptiste est signalé comme un homme rebelle au travail, et dangereux.

Début janvier 1878, il travaille chez Rémy Philogène ROUY, minotier à Merlaut, dans la Marne, qui exploite le moulin avec son épouse, Pauline Louise HENRAT, et ses deux enfants, Jeanne Emma et Xavier Edmond.

Merlaut – les moulins en reconstruction – hillarysmith – geneanet

Mais il n’y reste pas longtemps, il quitte son service le 9 février, à la suite de reproches de la part de son patron, que son allure suspecte inquiétait. Inquiétude fondée d’ailleurs, puisqu‘avant de partir, Charles Jean Baptiste BERTRAND dérobe deux sacs de toile.

Après, sans domicile fixe, il se rend à Troyes, où il dépense, en deux jours, dans les cabarets et les maisons de prostitution, tout ce qu’il possédait.

Il quitte ensuite Troyes et se dirige sur Nogent, en se présentant à divers meuniers pour obtenir un emploi, mais sans succès.


Sans ressources, il médite alors un crime audacieux, qui le mènera devant la Cour d’Assises de Troyes, le 13 mai 1878, sous l’inculpation de soustraction frauduleuse, car cette fois, il a non seulement volé, mais tenté d’assassiner sa victime.

Voici les faits. Le 12 février 1878, BERTRAND est assis sur le bord de la grande route, à un endroit isolé du territoire de la commune de Romilly-sur-Seine, quand il aperçoit une charrette couverte d’une bâche, qui venait dans sa direction. Elle était conduite par un homme âgé, qui avait l’apparence d’un cultivateur aisé.

C’est l’occasion rêvée, BERTRAND monte à l’arrière de la voiture, se cache sous la bâche, s’approche du conducteur sans faire de bruit, et brandissant un énorme bâton, lui en assène, par trois fois, un coup terrible sur la tête.

La victime, quoique affaiblie par la douleur et par la perte de son sang, parvient à reprendre ses esprits et à résister. Devant cette réaction, BERTRAND saute à bas de la voiture et prend la fuite, abandonnant son arme ensanglantée.

Le vieil homme était le sieur DUPONT, 69 ans, fermier à Savières. Il eut la force de continuer sa route et d’arriver chez son gendre, où il put recevoir les soins nécessités par son état.

Les médecins constatèrent quatre blessures, deux sur le sommet de la tête, une près de l’oreille gauche et la dernière à la main droite, qui avait été cependant protégée par un gant de fourrure. Les blessures à la tête auraient été mortelles si la violence des coups n’avait pas été amortie par un épais chapeau de feutre, dont le sieur DUPONT était coiffé.

La gendarmerie se mit immédiatement à la recherche de l’accusé, aidée par le signalement donné par le sieur DUPONT, et parvint à l’arrêter le jour-même, aux environs de Nogent-sur-Seine, à une vingtaine de kms du lieu de l’attaque.

BERTRAND n’essaiera pas de nier, et avouera avoir frappé le sieur DUPONT pour le voler.

extrait de « L’Avenir républicain » – 15 mai 1878 – page 2 – Retronews

Le jury, lors de l’audience du 13 mai 1878 de la Cour d’Assises de Troyes, le reconnaitra coupable des crimes prévus par les articles 379, 381, 382, 383, 386 et 2 du code pénal.

Défendu par Me COSTEL, BERTRAND sera condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité et aux dépens.

Charles Jean Baptiste, qui n’a que 19 ans, fera appel, mais son pourvoi sera rejeté le 6 juin 1878.

Il arrivera au dépôt de l’Ile de Ré le 5 juillet 1878.


Le début de son séjour au bagne se passe normalement, puisqu’il passe en 1ère classe le 20 octobre 1883, mais la suite sera ponctuée de tentatives d’évasion et donc de nouvelles condamnations.

En avril 1885, il est rétrogradé. Le 23 février 1888, il est condamné à 2 ans de double chaine pour évasion.

En janvier 1891, il s’évade le 2 et est réintégré le 8. Cette tentative lui vaudra 2 ans de réclusion cellulaire par le 1er tribunal maritime spécial, le 27 mars 1891, car il avait de plus fait usage d’un passeport délivré sous un autre nom que le sien.

Il décèdera l’année suivante, le 25 mai 1892, à l’Ile Nou. Il avait 33 ans.

En France, ses parents n’eurent pas à affronter ce décès. Ils étaient eux-mêmes déjà décédés, son père en 1883, et sa mère en 1888, au Havre, en Seine-Maritime, où toute la famille avait une nouvelle fois déménagé.


2 commentaires sur “Jeunesse délinquante

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  1. Ce qui me marque le plus à chaque fois c’est de voir la police retrouver le malfaiteur si « facilement » avec le peu de moyens qu’ils avaient alors. Retrouver Bertrand à 20 kilomètres de son crime sur la base du témoignage d’un vieil homme affaibli par les coups qu’il avait reçu, chapeau !

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  2. Le parcours de certains bagnards me touche parce que, sans excuser leurs crimes, leur parcours de vie, marqué par la violence et la misère peut parfois contribuer à expliquer qu’ils sombrent à leur tour dans la violence.

    Ici, même si l’on n’a pas tellement de détails sur son enfance, rien ne semble justifier son comportement.

    Et comme Marina, je suis toujours mi-sceptique, mi-admirative quand je vois la facilité et la rapidité avec lesquelles la police identifiait et arrêtait les coupables.

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