Ils n’étaient pas comme larrons en foire

Jean Pierre Adrien PORTAL vient d’une famille honorable de propriétaires cultivateurs, habitant Les Bessons, en Lozère, où il est né le 9 novembre 1844.

Ses parents, François PORTAL et Catherine PITOT, s’étaient mariés l’année précédente à Rimeize, le village d’origine de Catherine, à une dizaine de kms de là. Ses ancêtres étaient implantés en Lozère depuis longtemps, seul son grand-père maternel, Jean Baptiste PITOT, venait du Cantal.

Six autres enfants naitront après lui, Marguerite Henriette en 1846, François en 1848, Jean Paulin en 1851, Marie Philomène en 1853, Julie en 1856 et Auguste en 1859. Marguerite Henriette, Jean Paulin et Auguste décèderont cependant rapidement, respectivement en 1859, 1854 et 1864.

Famille PORTAL – Heredis – Famille XXL

Si l’on en croit la monographie communale écrite en 1862 par Alexandre VEYLET, l’instituteur, si le terrain des Bessons était granitique, il n’y avait pas de terres incultes et la commune produisait et exportait du seigle de bonne qualité, de l’orge, de l’avoine, des pommes de terre, des raves, ainsi que du bétail, bêtes à cornes ou à laine, chevaux, mulets, qui faisaient depuis quelques temps la richesse du pays.

carte des bessons – 1874 – monographie communale – AD Lozère

Il ajoutait aussi que les habitants « avaient des moeurs pures et un accès facile ».

On suppose donc que Jean Pierre Adrien a passé une enfance paisible, aux Bessons.

Il a une première fois affaire avec la justice, quand il est appelé sous les drapeaux. Il est condamné, le 2 avril 1872, à 5 ans de réclusion par le Conseil de guerre de Rennes, en Ille-et-Vilaine, pour vol d’effets d’habillements militaires au préjudice de plusieurs de ses camarades de Régiment, ainsi que pour désertion.


Quelques années plus tard, ce qui va amener Jean Pierre Adrien PORTAL, 33 ans, célibataire, devant la Cour d’Assises de Mende, est un meurtre, perpétré le jeudi 2 mai 1878.

Ce jour-là, c’est jour de foire à Saint-Chély-d’Apcher, à environ 5 kms des Bessons.

jour de foire à Saint-Chély-d’Apcher

Les jours de foire, on le sait, sont souvent associés à l’idée de débauches, de cabaret et donc de boisson, de mauvais coups et de rixes. Là se lançaient les défis et les provocations, et on pouvait aisément en venir aux mains.

Jean Pierre Adrien PORTAL avait retrouvé sur le foiral, avenue du Malzieu, Louis BONNEFOI, cultivateur au Fau-de-Peyre, à une huitaine de kms de là.

Vers 21 h, ils ont une vive altercation à l’entrée d’une auberge, au sujet de certains propos que PORTAL reprochait à BONNEFOI. On réussit à les séparer, mais PORTAL, très animé contre son adversaire, le menace ainsi : « Il faut que tu y passes, nous nous retrouverons ».

PORTAL est connu et redouté pour son extrême violence. Peu de temps auparavant, il avait le couteau à la main, dans une rixe de minime importance.

Quelques heures plus tard, à la fermeture des cabarets, PORTAL et la fille BRUNEL, sa maîtresse, s’engagent sur la route conduisant aux Bessons, pour retourner chez eux. BONNEFOI et un nommé CHAUVET, un de ses camarades, ayant à suivre la même direction, les avaient précédés de très peu.

Les deux groupes cheminent ainsi, près l’un de l’autre, jusqu’à La Rouveyre. Là, une discussion s’élève alors entre PORTAL et BONNEFOI, le premier, armé de pierres, demandant à nouveau des explications.

BONNEFOI invite PORTAL à jeter les pierres qu’il tient dans sa main, ce qu’il fait, mais dans le même temps, il s’avance sur BONNEFOI et, en proie à une vive irritation, le frappe d’un coup de couteau dans le bas-ventre et s’enfuit.

extrait du « Rappel » – 15 juillet 1878 – page 3 – Retronews

BONNEFOI tente de le poursuivre, mais sa blessure est trop grave. Il est recueilli dans une maison voisine des lieux, où il expire le lendemain.

Arrêté peu de temps après le crime, PORTAL prétend qu’il n’a fait que se défendre contre les coups de bâton que BONNEFOI lui donnait, ce qui est contredit par le témoignage de CHAUVET et par la déposition recueillie de la bouche même de BONNEFOI, quelques instants avant sa mort.

La fille BRUNEL elle-même ne défend que faiblement son amant. Et PORTAL, examiné le lendemain par un homme de l’art, ne porte aucune trace des coups qu’il prétend avoir reçus.

Lorsqu’il comparait, le 14 juin 1878, devant la Cour d’Assises de Mende, en Lozère, sous l’inculpation de meurtre, Jean Pierre Adrien PORTAL fait impression, avec sa belle taille, il mesure 1m 71, et ses traits fortement accentués, qui révèlent une grande énergie.

Au procès, les témoins appelés à la barre affirment tous que BONNEFOI avait une conduite exemplaire, que c’était un modèle de jeune homme, un véritable agneau. La mère de la victime, écrasée par le chagrin, produit une forte impression sur l’auditoire par ses propos « Ah ! mon fils, mon pauvre fils !  Qu’il était bon ! Dès que j’ai appris la fatale nouvelle, j’ai volé près de lui, et au moment où il allait mourir, il m’a dit : « Il m’a tué et je ne lui avais rien fait, mais je lui pardonne ».

extrait du « Petit Parisien » – 6 juillet 1878 – page 4 – Retronews

Le verdict du jury sera affirmatif sur la question de meurtre, avec cependant admission de circonstances atténuantes, et PORTAL sera condamné à la peine de 10 ans de travaux forcés.

Il arrive au dépôt de l’Ile de Ré le 5 juillet 1878.


Au bagne, PORTAL tentera de s’évader et sera pour ce faire condamné, le 3 mai 1881, à 2 ans de travaux forcés, 5 ans de surveillance et aux frais.

Il passera 1ère classe le 10 juillet 1883, bénéficiera d’une remise d’un an sur sa peine le 14 janvier 1886, et passera 4.1 n° 6873 le 18 juin 1889.

Après, on perd sa trace mais selon la cote de son dossier de bagne, il semblerait faire partie des évadés ou disparus. Au décès de son père, son nom apparait dans la succession, on peut supposer qu’il était encore vivant en 1899. La cote de son dossier de bagne nous indique qu’il fait partie des évadés ou disparus.

TSA Saint-Chély-d’Apcher – 3 Q 5608 – AD Lozère

En France, ses parents n’ont pas quitté Les Bessons. Sa mère, Catherine PITOT, y est décédée le 10 août 1888. Son père y vivra jusqu’à l’âge de 82 ans et décèdera le 15 juin 1899.


Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer