Quand une désertion conduit au bagne

Léon LEDU n’avait pas vraiment le profil d’un bagnard.

Lorsqu’il nait, le 8 octobre 1854 à Paris, ses parents, François LEDU, garçon d’hôtel venu des environs de Lannion, dans les Côtes-d’Armor, et Victoire ANDRÉ, couturière venue de la Meuse, ne sont pas encore mariés.

Famille LE DU – Heredis – Famille XXL

Ils se marieront le 11 octobre 1856 dans le 9ème arrondissement, en la toute nouvelle église Saint-Eugène, qui vient d’être terminée, et qui a la particularité d’être la première église construite avec une ossature métallique. Léon sera légitimé à cette occasion.

Eglise Saint-Eugène – Paris (9ème) – 1-EST-02130 – Bibliothèque historique de la ville de Paris

Léon grandit 23 rue de Jouy, dans le 4ème arrondissement, où ses parents se sont installés comme marchand et marchande de vin.

Il n’est pas encore majeur lorsqu’il perd son père, décédé le 11 décembre 1870, puis sa mère, décédée le 13 mai 1873.

Léon a bientôt 20 ans et l’âge de l’incorporation. Sa fiche militaire est répertoriée n° 2210 au 4ème Bureau de Paris, pour l’année 1874.

Feuillet matricule LE DU Léon – classe 1874 – 4ème bureau – D4R1 159 – Claudine du Fil d’Ariane

Il est envoyé en Algérie, dont la conquête par la France avait commencé en 1830. Le pays avait été secoué, peu de temps auparavant, en 1870-71, par la révolte dite de MOKRANI.


A l’armée, Léon LEDU est sergent-fourrier au 2ème Bataillon de chasseurs à pied, c’est-à-dire qu’il est chargé de l’intendance. Il remplit même la fonction de sergent-major, en l’absence du titulaire, quand le 1er avril 1878, il est sévèrement réprimandé par son capitaine, relativement à un ordre donné la veille, et qu’il n’avait pas exécuté. Léon ne va pas accepter ces remarques. Il déserte, en emportant une somme de 313 francs 50 centimes, qu’il venait de toucher chez cet officier, et ses habits militaires.

L’argent volé se décomposait ainsi : 150 francs de solde des spahis en subsistance à sa compagnie, 50 francs de solde des sous-officiers de la compagnie, et 113 francs 50 centimes pour dépenses de l’ordinaire de la troupe, pour les fournitures du 26 au 31 mars.

Les effets emportés comportaient : une ceinture de flanelle, un képi, un pantalon, une tunique, une capote, une paire de souliers, une paire de guêtres en cuir, une chemise et une cravate.

Le 13 avril, Léon LEDU arrive à Affreville. C’est un coin de terre brulée, à 140 kms d’Alger, devenu le 14 septembre 1872, une commune en plein exercice. Là, Léon achète des vêtements civils, et laisse ses effets militaires chez un sieur CADET, aubergiste. Ils seront saisis plus tard par les gendarmes, à l’exception des guêtres et des souliers.

Léon se rend ensuite à Oran, où il sera arrêté le 9 mai par la gendarmerie. On ne retrouve sur lui que la somme de 24 francs. Il reconnait sans restriction le vol, et sa désertion, motivée selon lui par les réprimandes par trop sévères de son officier, et regrette sincèrement cet acte de faiblesse.

Extrait du dossier de bagne LE DU Léon – COL H 186 – ANOM

Le 1er juin 1878, il est jugé par le 2ème conseil de guerre qui siège à Blida, la « ville des roses », située à 47 Km au Sud-ouest d’Alger, pour les délits de soustraction frauduleuse et de désertion. Il sera condamné à 5 ans de travaux forcés, sans surveillance.

Le 6 juin, il subira la dégradation militaire et sera rapidement rapatrié en France.

Il arrivera au dépôt de l’Ile de Ré le 20 juillet 1878.


Au bagne, il n’a rien d’un délinquant revendicatif (aucune punition ni aucune plainte ne sont relevées à son encontre que ce soit en temps que condamné ou libéré) et il est proposé, dès le 1er janvier 1881, pour une remise d’un an sur sa peine. Cette remise lui est accordée par Jules GRÉVY, Président de la République, le 23 novembre de la même année.

Extrait du dossier de bagne LE DU Léon – COL H 186 – ANOM

En 1882, il est à nouveau proposé pour une remise du reste de sa peine et il passera 4.1 n° 3488 dès le 6 juin 1882.

Il est alors en principe astreint à résidence jusqu’au 6 juin 1887, mais par décret du 14 août 1884, il est accordé à Léon la remise de sa résidence temporaire à laquelle il était astreint en Nouvelle-Calédonie.

Il est cultivé, alors il s’installe à Nouméa, comme employé de commerce. Le 14 janvier 1893, il est témoin au mariage de Paul Louis GARDEMAUX, employé de la commune et natif de Nouméa, avec Delphine Marie Gabrielle AUVRAY, fille de bagnard.

Mais ce blond aux yeux bleus, avec une cicatrice sur le devant de la tête, ne vivra pas longtemps. Il décèdera peu de temps après, le 16 septembre 1896, rue de l’Alma où il résidait. Il n’était âgé que de 41 ans.

Rue de l’Alma – carte postale – collection personnelle


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