Les dérives d’un père veuf

Lorsque François Auguste LEGEARD nait, le 17 février 1845 à Tinchebray, au cœur du bocage normand, dans l’Orne, la ville compte alors plus de 4 000 habitants. Son père, François Etienne LEGEARD est forgeron.

Carte postale de Tinchebray – 2FICP486/002 – AD Orne

Toute la ville vit en effet au rythme des forges. On est tout près de Beauchêne, où résidait un autre bagnard, Victor Ursin Auguste DESLANDES, que nous avons évoqué précédemment, en même temps que l’activité intense de travail du métal dans la région à cette époque.

François Auguste aura quatre sœurs et trois frères, nés entre 1839 et 1851, au lieu-dit la Butte Rouge.

Il n’a que 7 ans lorsque son père meurt, le 27 juin 1851 et 17 ans, lorsque Marie Françoise ROULLEAUX, sa mère, décède, le 21 décembre 1862. Il a aussi perdu entre temps une de ses sœurs, Emilie Françoise, âgée de 16 ans, en 1860.

Famille LEGEARD – Heredis – Famille XXL

Il est forgeron, comme son père, alors que son frère Victor Simon choisira le métier de colporteur en mercerie, son frère Jean Philémon, le métier de charron et son frère Emile Jacques, le métier de pépiniériste .

Il n’est pas très beau, hormis ses yeux bleus qui contrastent avec son teint brun. Il est petit, 1 m 61, il a une grande bouche, mais surtout il est bossu. Il est de plus illettré.

Cela ne l’empêchera cependant pas d’épouser Marie Adélaïde Victoire YVER, le 23 juin 1868 à Chanu, village voisin de Tinchebray, d’où elle est originaire. On reste d’ailleurs dans le domaine du métal, puisque Julien Auguste YVER, le père de Marie, est serrurier.

Le couple est installé à Tinchebray et l’année suivante nait une fille, Augustine Maria, le 5 juin 1869. Deux garçons viendront compléter la famille, François Joseph, le 2 juin 1871 et Auguste Jules, le 18 juin 1872.

Coup du sort, Marie Adélaïde Victoire YVER décède l’année suivante, le 18 octobre 1873. François Auguste, qui se retrouve seul, avec trois enfants en bas âge, ne se remarie pas dans les années qui suivent, comme c’est habituel à cette époque.

Habile ouvrier, très intelligent, bien noté dans sa commune avant son veuvage, LEGEARD va sombrer, s’adonner à l’ivrognerie, et maltraiter quotidiennement ses enfants.

extrait du dossier de bagne LEGEARD François Auguste – COL H 500 – ANOM


Et quelques années plus tard, le Journal de Honfleur du 18 juin 1878, en quelques lignes, dans ses faits divers, signale l’indicible : « Orne – La gendarmerie de Tinchebray a arrêté, il y a quelques jours, un nommé François Auguste LEGEARD, fabricant de pièges à Tinchebray. Cet homme qui est veuf et père de trois enfants en bas âge, est accusé d’attentats à la pudeur sur sa fille, âgée de 8 ans et demi ».

Extrait du « Journal de Honfleur : commercial, maritime et littéraire » – 18 juin 1878 – Normania

Les faits s’étaient passés en mars et en avril 1878. L’exposé qui en est fait dans son dossier de bagne décrivent une telle horreur et une telle violence, qu’il n’est pas possible de les relater ici.

François Auguste LEGEARD, qui a alors 33 ans, comparait devant la Cour d’Assises d’Alençon le 6 juillet 1878.

A l’audience, il ne manifeste aucun repentir. Son attitude et les faits révoltants de cette affaire ont vivement impressionné le jury, qui refuse le bénéfice des circonstances atténuantes. LEGEARD est condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité, pour crimes d’attentats à la pudeur avec violence sur sa fille âgée de 9 ans.

Il arrivera au dépôt de l’Ile de Ré le 20 juillet 1878.


Au bagne, il passe en 1ère classe le 11 juin 1881. Puis, au fil des années, il bénéficiera de diverses grâces.

Ainsi, en 1889, sa peine est commuée en 20 ans de travaux forcés. En 1893, il bénéficiera d’une remise de 3 ans, de même qu’en 1899. Cette même année 1899, il bénéficiera encore d’une remise de 4 ans. Enfin, le 27 juillet 1902, il passe 4.1 n° 11981.

François Auguste LEGEARD a alors 57 ans. Il ne profitera que de quelques mois de « liberté ». Il décède l’année suivante, le 6 février 1903, à la Dumbéa.

En France, pour finir sur une note plus légère, il faut savoir qu’après avoir été placés à l’asile, les trois enfants de François Auguste se sont mariés, ont eu une descendance et ont vécu jusqu’à un âge respectable, puisqu’ils sont décédés dans les années 1940.

Augustine Maria, la petite victime, élève de l’Hospice dépositaire d’Alençon, domestique à Ussy dans le Calvados, y épousera, en 1895, Félix Albert GUYET, domestique lui aussi, originaire de Martainville. Son oncle, Emile Jacques LEGEARD, était présent à ce mariage.

François Joseph, journalier, domicilié à Aunou-sur-Orne, y épousera Marie Eugénie CHANTEPIE, journalière, en 1902, puis, veuf, il convolera avec Louise Marie MARCHAND en 1905, à Tinchebray.

Auguste Jules, domestique domicilié à Aunou-sur-Orne, y épousera Constance Adolphine ADELBERTA, domestique, en 1893. Un des témoins du marié sera son frère, François Joseph, alors soldat en garnison à Vincennes.

Dans tous les actes, aucune indication n’est donnée sur leurs parents.


Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer